La Galerie Eric Mouchet est heureuse d’annoncer la première exposition personnelle d’Eva L’Hoest, intitulée inkstand – fragments of intent, dans son espace bruxellois. Lauréate du prix Edward Steichen (2023), Eva L’Hoest a récemment présenté sa première exposition monographique institutionnelle The Mindful Hand au Casino Luxembourg (2025). À travers ses œuvres, Eva L’Hoest développe un langage visuel qui relie l’artisanat aux technologies contemporaines, où la mémoire, le mythe et la matière se répondent. Depuis le début de son parcours, elle a pris part à de nombreuses expositions majeures en Belgique et à l’étranger, à la Friche la Belle de Mai (Marseille, 2025), au KANAL – Centre Pompidou, à la Biennale de Sydney (2022), au WIELS (Bruxelles, 2021), à la Biennale de Riga (2020), à la Biennale de Lyon (2019) et à la Triennale Okayama Art Summit (Japon, 2019).
L’exposition présente Inkstand – Fragments of Intents, Ne pas réveiller les chiens qui dorment et The Inmost Cell, trois ensembles d’œuvres récentes d’Eva L’Hoest qui illustrent sa réflexion sur la manière dont les technologies façonnent nos gestes, nos comportements et nos imaginaires. En détournant la technique de la cire perdue à travers un processus numérique, Eva L’Hoest fait dialoguer le feu et le code, la fusion du métal et celle des données. Ses œuvres apparaissent comme les vestiges d’une archéologie du futur – des formes où persiste la mémoire des gestes et celle des codes qui les ont traversées.
Les sculptures d’Inkstand – Fragments of Intents, réalisées en alliage de bismuth et d’étain, se délient de leurs moules de sable comme d’une gangue originelle. Suspendues entre apparition et effondrement, elles forment de petits mondes clos, dioramas domestiques habités par des figures humaines et animales, éclairées de l’intérieur, entre veille et rêve. Présentées dans des vitrines évoquant les operant conditioning chambers mises au point par B.F. Skinner dans les années 1930, elles déploient une réflexion sur le conditionnement des comportements, du laboratoire aux interfaces numériques, où nos gestes et nos attentions se trouvent façonnés par des architectures invisibles. Les vitrines reposent sur un ensemble de rampes métalliques qui sillonnent l’espace et guident le regard et le corps du visiteur, à l’image des algorithmes qui orientent nos trajectoires dans l’espace numérique selon une logique de contrainte implicite.
Avec Ne pas réveiller les chiens qui dorment, L’Hoest conçoit un retable contemporain où se rejouent les tensions entre sacré et technologie, mémoire et matière. Entièrement sculpté dans l’espace virtuel, puis imprimé en 3D, le triptyque transpose le modelage manuel dans une « glaise digitale ». Grâce à des lignes de code, le retable révèle dans sa matérialité la trace de son propre processus : les filaments déposés par la tête d’impression tissent un réseau fragile entre les formes, comme un maillage organique reliant des “îles” de matière – terme employé en impression 3D pour désigner les zones isolées du volume. Les strates visibles dessinent une topographie du geste mécanique, comme une cartographie du mouvement de la machine. Les figures – mains démiurgiques, corps fragmentés, chiens endormis – convoquent les iconographies du jugement, de la révélation et de la protection. Les chiens, comme des chimères, veillent sur un monde suspendu, gardien·ne·s d’un sacré déplacé dans la sphère technologique. L’œuvre esquisse un purgatoire contemporain, un espace où pensée et matière se confondent, où langage et foi se reforment à l’échelle du code.
Disséminée dans l’espace, la série de pendentifs Spectio (False North) poursuit la réflexion d’Eva L’Hoest sur l’expertise technique — de la groma romaine aux algorithmes contemporains — et sur son pouvoir de légitimation. Dans l’Antiquité, seuls les augures, souvent issus du corps des magistrats, pouvaient lire les signes du ciel et orienter le destin collectif ; aujourd’hui, les technologies prédictives prolongent ce geste en façonnant de nouvelles formes de pouvoir sous le couvert du savoir scientifique. Suspendues dans l’air, les sculptures rappellent ces instruments de mesure utilisés pour délimiter les fondations des villes, associés à la spectio — l’observation rituelle du ciel — où le regard devient instrument d’ordre. Spectio agit comme une méditation sur la fragilité de nos repères, sur la manière dont foi, connaissance et désir de mesure s’inversent dans un monde saturé de champs d’attraction.
Gravées dans des blocs de cristal, des figures issues du film The Inmost Cell apparaissent comme des fragments suspendus – des architectures liquides flottant dans un espace sans gravité. La figure centrale provient du scan 3D d’un fragment de la falaise de Staburadze, légende lettone d’une jeune fille changée en pierre par ses larmes, aujourd’hui partiellement engloutie sous les eaux du barrage de Riga. Au cœur de la matérialité invisible de nos écrans et de nos mémoires numériques, le cristal devient le réceptacle de flux figés : larmes, courants, données. L’œuvre conserve la trace d’un espace intermédiaire, là où mémoire humaine, mythe et matière numérique se confondent.
PLUS D’INFORMATIONS :
// Eva L’Hoest
// Dossier de presse
// inkstand – fragments of intent (13/11/25-10/01/26 | Bruxelles)
Expositions