Pour sa troisième exposition solo à la Galerie Eric Mouchet, Capucine Vever poursuit ses enquêtes territoriales, géologiques et poétiques.
Ses nouvelles œuvres, trouvent leur source dans une résidence de l’artiste au Centre d’Art de Flaine. En décembre 2024, au sein d’une exposition personnelle, elle y présentait Dérives Alpines, un projet consacré au changement de paradigme qui s’opère en haute montagne du fait du réchauffement climatique. C’était le point de départ d’une réflexion au long cours.
L’exposition Là où s’effondrent les dragons en constitue une prolongation, mais aussi un déploiement plastique, et réunit trois familles d’œuvres inédites : une installation vidéo, une série de sculptures en céramique émaillée et un ensemble de dessins à l’encre de Chine.
Au cœur de ce nouveau cycle, une même urgence : celle de documenter, traduire et faire ressentir les transformations lentes et souvent invisibles des paysages alpins. Car si les glaciers reculent, s’effondrent et meurent, ce n’est pas toujours perceptible pour le regard humain qui, d’ailleurs, a encore bien du mal à les envisager comme faisant partie de la sphère du vivant. C’est ce que donne à éprouver le diptyque vidéo Dérives Alpines, présenté ici dans une version à deux canaux. Filmée lors de marches et d’observations sur le terrain pendant plusieurs saisons, l’œuvre capte les signes ténus de l’instabilité des reliefs, le mouvement imperceptible des roches, les fissures qui s’élargissent, les masses de glace qui glissent, s’effritent ou se dérobent dans le silence. Incontestable confrontation au paysage, la vidéo propose un regard sensible sur une montagne qui semble encore figée, mais dont l’équilibre est déjà rompu.
En parallèle, Capucine Vever convoque les imaginaires populaires des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, qui prêtaient aux glaciers une force aussi mystérieuse que menaçante. En sculptant une série de créatures de glace en céramique émaillée, elle redonne corps à ces croyances anciennes : les langues glaciaires étaient alors vues comme les dragons des Alpes, terrifiants, capables d’engloutir des villages et de dévaster des vallées entières. Ces formes, à mi-chemin entre la faune fossile et la chimère, incarnent une mémoire mythologique où les peurs anciennes rencontrent les inquiétudes climatiques contemporaines.
Enfin, une série de dessins à l’encre de Chine vient clore cet ensemble. Inspirées des codes graphiques des gravures zoologiques anciennes et des planches naturalistes scientifiques, ces œuvres dessinent les contours mouvants de ces monstres de glace en voie de disparition. Tracés minutieux, lignes de crête, veines sombres : autant de gestes qui tentent de saisir ce qui s’efface. Comme si l’encre cherchait à figer une trace, à capturer l’ombre d’un paysage en fuite.
À travers ce triptyque d’œuvres, Là où s’effondrent les dragons compose un récit sensible, entre mémoire, science et fiction. En explorant les formes visibles et invisibles de la montagne, fidèle à elle-même, Capucine Vever donne voix à des paysages menacés, à des forces telluriques oubliées, et aux légendes qui, longtemps, ont permis aux humains de nommer l’inconnu.
Un projet à la croisée de la géopoétique et de l’archéologie du sensible, qui nous invite à penser autrement la disparition et l’effondrement – non plus comme une fin, mais comme une métamorphose inévitable.
PLUS D’INFORMATIONS :
// Capucine Vever
// Dossier de presse
// Là où s’effondrent les dragons (06/09-25/10/2025 | Paris, FR)
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