La Galerie Eric Mouchet a le plaisir de présenter la nouvelle exposition personnelle de Vincent Voillat, intitulée Par-dessus l’épaule. Ce second solo show est la continuité de sa réflexion portée sur nos rapports avec le monde minéral, poussant les hypothèses formelles jusqu’à une zone trouble où l’être lithique fusionne avec les formes du corps. Les sculptures deviennent suggestives, réduisant un peu plus la frontière qui sépare l’humain du non-vivant.
La vaste échelle du temps minéral aboutit souvent à une contradiction apparente.
La pierre immobile n’entretiendrait aucun rapport avec le mouvement de la vie : aux masses rocheuses l’éternité aveugle aux futilités des êtres fugaces, à leurs amours, à leurs productions ou reproductions, à leur quête frénétique d’inscrire la succession de leurs minutes dans un toujours déjà entamé et forclos ; aux mortels folâtres les jouissances de l’inconstance et des interactions, la langueur de la chair et les délicatesses de la création.
La pierre obéit pourtant à la loi d’hybridité énoncée par Bruno Latour : aucun des objets s’étendant sous le regard humain, a fortiori aucun de ceux se prêtant à la caresse de la main de l’homme, n’appartient à un règne unique.
Pour ranimer les choses qui semblent mortes, c’est tout d’abord par un geste de prélèvement qu’opère Vincent Voillat.
De son enfance, de ses égarements au plus profond des forêts légendaires où l’errance et le surnaturel empruntent la langue des oiseaux, des craquements anonymes, des clapotis torrentueux et des rochers magiques, de la blessure indélébile étouffée dans sa prière par le béton et le bitume des autoroutes, revient la puissance des accords et des dissonances entre différentes temporalités.
Polies et collées les unes aux autres, les pierres deviennent symboles d’une altérité qui se joue des frontières entre les âges, les chimies, les usages. Marbres nobles et déchets, cristaux transparents et micas friables, granits polis et calcaires sédimentaires s’unissent, transcendent leurs origines, deviennent les personnages autant que les instruments d’une étude de ce qui fait contact.
Il y a certainement une part de dénaturation dans les œuvres de Vincent Voillat – disons plutôt de torsions, multiples, permettant à des natures divergentes de se rejoindre, de collaborer, que cette collaboration aboutisse à l’incarnation de nouveaux fétiches ou à la destruction de leur matières initiales : contrarier les attendus et les principes établis, y compris les modus operandi ancrés dans l’histoire de la sculpture elle-même, constitue à n’en pas douter l’un des ressorts voire l’un des objectifs principaux de l’artiste.
Peut-être est-ce d’ailleurs là l’hybridation principale à laquelle se livre Vincent Voillat : en remixant l’histoire de l’art, les cultures populaires et les traditions séculaires et en replaçant les rejetons de leurs croisements dans l’espace du Beau, l’artiste contrevient certes aux règles de bienséance – surtout, il expose en miroir les habitudes consacrées de classifier et de normer des catégories distinctes : le mouvement de la vie et l’éternité minérale.
Considérer tout ensemble l’ancrage d’une pierre et son devenir autre, restituer à un corps mort sa trajectoire dans l’espace, dans le temps et dans les croyances – concevoir que chaque bloc s’insère dans une chaîne de forces et d’énergies contingentes – là réside certainement l’une des puissances les plus vitales, les plus transgressives, les plus révolutionnaires, et celle de Vincent Voillat.
Jean-Christophe Arcos
Extrait de « Bloc-chaîne. Quelques réflexions sur la vie dans l’oeuvre de Vincent Voillat »
C’est peut-être un peu plus qu’une histoire (d’amour)
Galerie Eric Mouchet, avec le soutien du CNAP Paris, 2023
Cette exposition sera également l’occasion de dévoiler le premier ouvrage monographique consacré au travail de l’artiste, C’est peut-être un peu plus qu’une histoire (d’amour). Édité par la Galerie Éric Mouchet, avec le soutien à la publication du Centre national des arts plastiques, ce livre rassemble les textes et les oeuvres produites par l’artiste à partir de 2013. Il réunit les correspondances d’une « communauté lithique » formée par l’artiste et composée d’auteur·ice·s, de philosophes, de théoricien·ne·s, de commissaires d’exposition et d’artistes : Jean-Christophe Arcos, Emanuele Coccia, Aurélie Faure, Florian Gaité, Alice Guittard, Cécile Hartmann, Kubra Khademi, Klio Krajewska, Léo Marin, Éric Mouchet, Didier Nectoux, Sasha Pevak, Andy Rankin, Louis-Cyprien Rials, Rebecca Topakian.
DATES À RETENIR :
// Mercredi 12 avril de 19h30 à 21h00 : Vincent Voillat x Jerk Off
Lecture performée de C’est peut-être un peu plus qu’une histoire (d’amour) par Vincent Voillat avec la complicité d’Aurélie faure dans le cadre du festival Jerk-Off.
// Samedi 29 avril 2023 à partir de 15h00 :
Lancement et signature de la monographie C’est peut-être un peu plus qu’une histoire (d’amour) en présence de l’artiste à la Galerie Eric Mouchet.
PLUS D’INFORMATIONS :
// Dossier de presse
// Vincent Voillat
// Par-dessus l’épaule (18/03-29/04/2023)
Expositions