Au commencement il y a les céramiques de Jacques Blin (1920-1995), reconnaissables aisément par leurs motifs, animaux ou végétaux réduits à quelques traits. Les pots sont émaillés dans des couleurs délibérément éteintes, orange pâle, vert délavé, qui renforcent l’effet d’archaïsme propre aux motifs gravés. C’est à cette rêverie touchant au primordial que le travail de Bertrand Hugues a donné forme nouvelle. Il a trouvé dans l’œuvre de Blin des ressources propices à engendrer d’étranges images. Blin était allé de la nature vers le signe, Hugues s’est emparé des signes pour construire, à sa façon, une seconde nature.
Bertrand Hugues est un artiste qui se sert de la photographie, à un moment précis de son travail, non comme une fin en soi mais tel un moyen à une interrogation en actes sur ce que voir veut dire. Déjouant les lois de la nature, l’artiste s’amuse aussi de celle de la photographie. Ainsi, ce qu’il accomplit dans son atelier, au moyen de sa chambre photographique, à partir des Hybrides qu’il y a engendrés, vient méthodiquement mettre à mal les modalités communes de notre vision. Cet inventeur de formes ne s’arrête pas là et choisi un mode indirect par le passage des Ektas, faits dans son atelier, aux tirages, confiés à l’Atelier Fresson, héritier du procédé de tirage au charbon du même nom, inventé à la toute fin du XIXe siècle. L’effet esthétique propre aux couleurs ainsi obtenues, qui ramène à la mémoire les premiers travaux de photographie autochrome, vient instaurer une forme de distance, comme si, entre l’être hybride créé par Hugues et nous qui le regardons, un voile temporel venait s’interposer.
Cet effet, que l’on retrouve chez ces photographes d’autrefois qu’on appelle pictorialistes en raison de la relation que leur travail entretient avec la peinture comme modèle, est l’ultime façon qu’a le créateur de ces œuvres de s’éloigner de l’image. Le procédé Fresson a aussi cette qualité bien particulière d’offrir aux tirages une fraîcheur et une durée de conservation exceptionnelles. On comprend qu’une telle possibilité ait pu retenir l’attention d’un homme qui aime à plonger les éléments de son herbier dans de la cire fondue, afin de leur offrir une éternelle jeunesse.
L’exposition s’inscrit dans le cadre du parcours PhotoSaintGermain
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