PRISMER LE REEL
Comment mettre à jour les représentations d’un territoire ? Rendre compte d’un lieu sans le réduire à une métrique opératoire, un cliché ou une construction cartographique qui encode le réel et paralyse ses potentiels ? L’œuvre de Capucine Vever se propose de parcourir les failles de la représentation du paysage, afin d’y réintroduire des récits, des imaginaires ainsi que la multiplicité des vies qui interagissent entre elles et avec lui, sans éluder l’action de la Terre en réaction aux activités anthropiques. Non plus sonder le monde vidé de ses occupants, selon une logique de conquête ou d’espace blancs à coloniser, mais tenter de « repeupler les cartes » par les manifestations discrètes des présences humaines et non-humaines, vivantes et non-vivantes.
Pour Capucine Vever, le territoire ne saurait se limiter à un simple contenant, inerte, circonscrit par des frontières politiques ou des reliefs immuables. Au contraire, il respire, évolue sans cesse au rythme des collaborations et des stratégies d’adaptation du vivant qui le transforme pour mieux y habiter. Des humains qui labourent la terre comme on scarifie la peau (Labour, 2022) ou érigent la topographie de leur ville du jour au lendemain (À la fin, on sera tout juste au début, 2020), en passant par son film sur la montée des eaux à l’aune de l’histoire de l’île de Gorée, (Dunking Island, 2022), les œuvres de Vever témoignent des données d’ordinaire invisibilisées dans les représentations conventionnelles. Pour cela, l’artiste élabore ses propres outils ou détourne des dispositifs de captation afin de multiplier les focales, les échelles, les textures ou les granulosités, et ainsi produire des savoirs situés, incarnés, feuilletés de petites et grandes histoires. À rebours des paradigmes qui examinent la Terre depuis un point de vue extérieur et surplombant, les « cartes vivantes » de Vever s’écrivent du dedans, du dessous, depuis l’espace infini et mystérieux de l’Océan, les accidents de mesure ou l’ensemble des corps et des « points de vies » qui terraforment la planète. Ses œuvres expriment en cela des perspectives protéiformes et provisoires, nécessairement inachevées et stratifiées de temporalités imbriquées.
Extrait du texte « Prismer le réel » de Marion Zilio
PLUS D’INFORMATIONS :
// Dossier de presse
// Capucine Vever
// La peau de l’horizon qui nous entoure (03/09-08/10/2022)
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