A l’occasion de la publication d’une première monographie chez In Fine Edition d’art, de plusieurs expositions monographiques au Domaine de Kerguéhennec, au Musée de l’Hospice Saint Roch, la Galerie Eric Mouchet est heureuse de présenter la nouvelle exposition de Christine Crozat « Mémoires de formes ». Elle est une de ces artistes qui scrutent le déroulement de la vie quotidienne, le banal, l’apparemment insignifiant, et nous les restituent sublimés. Son observation d’une simple savonnette usée, d’un soulier, d’un geste répétitif ou d’un brin d’herbe lui suffisent pour nous dire l’impermanence et la fragilité.
« Ce sont des formes qui creusent des formes, pas seulement au figuré mais par le procédé même : dessin en réserve, découpe, superposition… Exhumer et enfouir, dans un même geste ; voiler et dévoiler. L’œuvre de Christine Crozat emprunte des voies de traverse. Elle se méfie des évidences. La ligne droite n’y est pas le plus court des chemins.
Dessiner, c’est faire acte de mémoire ; et en premier lieu, c’est se souvenir d’un geste et le reprendre là où il s’est arrêté, non pas définitivement mais en suspens, dans l’attente de sa réactivation, dans l’espace d’un dessin et d’un dessin à l’autre… Ainsi se constituent des séries. Il serait probablement plus juste de parler de suites. Une suite, c’est-à-dire un mouvement, une logique propre à la construction de la forme et à son évolution. Une œuvre seule et la même prise dans un ensemble ; le tout formant une unité. Cette opération s’orchestre dans l’espace (celui de l’exposition, celui du livre) avec tout ce que cela suppose en termes de circulation (les corps en mouvement, le regard) et de construction d’un possible récit (les conditions d’apparition d’une narration en même temps que l’image prend forme et fait figure).
La mobilité est au cœur de l’œuvre autant que du processus de travail : vit et travaille à Paris et à Lyon et dans le TGV… Circulation des formes, de l’air, du sens. Ne jamais enfermer les choses dans une lecture univoque (cela serait probablement plus simple, à défaut d’être plus efficace), brouiller les pistes, voiler plutôt que dévoiler, afin de préserver l’essentiel (le sens, l’air, les formes). Christine Crozat sait la force des signaux faibles. Ses œuvres, calmes en apparence, répercutent aussi les turbulences du monde mais elles les propagent par ondes successives, non pas tant pour protéger le regardeur que pour en rendre les effets plus durables, à l’instar d’une médecine douce.
Dessiner, c’est aussi convoquer des fantômes (parfois des membres-fantômes, telle la belle suite en hommage à ceux qui ont perdu leurs jambes) ; ceux qui hantent nos mémoires ; jouer avec le répertoire d’un grand musée imaginaire ; reprendre des œuvres ; les réinterpréter. Rendre hommage à une histoire qui nous est à la fois proche et lointaine ; transmettre. Reprendre le fil : les jardins qu’elle a revisités durant le confinement, les savons qu’elle a collectés, les reliques dont elle a pris soin, nous sont destinés ; elle nous y conduits avec l’assurance d’un guide qui a bien préparé son voyage (l’artiste, qui séjourne régulièrement dans de lointaines contrées, connaît les bienfaits du dépaysement). »
Extrait du texte « Mémoires de formes » de Olivier Delavallade
DOSSIER DE PRESSE
Mémoire de formes
Christine Crozat
Exposition du 17 octobre au 11 décembre 2021
Expositions