Isabelle Plat est une artiste qui traite des sujets sociétaux, mais elle le fait avec humour, distance et fraîcheur. Fidèle à ses axes de recherche historiques, elle intervient donc toujours là où on ne l’attend pas. Il ne faut pas s’arrêter à l’aspect léger de son travail, et toujours rechercher le message politique qui se cache derrière ses séries d’œuvres longuement mûries. Dans son travail, tous les sujets sont traités au second degré, et plus précisément, souvent par la dérision. L’humour est la meilleure arme de son féminisme, qui s’exprime par une profusion joyeuse de la représentation schématique du sexe de l’homme.
La simple forme explicitement phallique des pieds des tables en tôle d’acier-miroir inox qu’Isabelle a créées résume la symbolique critique qu’elle assigne à ses représentations du sexe masculin, tout en réalisant là un exemple élémentaire de sculpture d’usage. Si la finesse des sexes en feuille d’acier procure son impression de fragilité à la table, le complexe de castration, individuel et dérisoire, y est sous-jacent dans son anticipation prémonitoire d’un inévitable et prochain effondrement (de la table et) du monde…
Le concept de sculpture d’usage, qu’Isabelle Plat a maintenant parfaitement développé, est consubstantiel à son œuvre depuis l’origine : lorsque nous avons fait connaissance, encore étudiants, il y a de cela plus de vingt-cinq années, interrogeant déjà le rapport de l’homme à la nature, elle cultivait le paradoxe en nous invitant à nous asseoir – avec délicatesse – dans des poivrons géants (en fourrure synthétique) et à nous éclairer – sommairement – à l’aide de poireaux cyclopéens (en résine ou en fibre de verre) !
Un peu New Age pour sa croyance en une action écolo-pédagogique fondée sur l’art, pour son emploi de matériaux parfois anachroniques et pour sa croyance dans l’humain, un peu Pop dans la schématisation seventies de ses formes, et la magnification – notamment en les représentant hors d’échelle – d’objets très quotidiens, Isabelle Plat a construit en plus de deux décennies une œuvre d’une grande cohérence et d’un grand courage qui semble vouloir nous faire oublier les quarante dernières années de croissance délétère, en nous plongeant dans un monde construit sur la mémoire des plaisirs simples.
Intransigeante dans ses convictions, donc questionnant toujours toutes les « renouvelabilités », Isabelle nous offre aujourd’hui une série d’œuvres en cheveux humains, dont elle revêt de préférence – cultivant encore le paradoxe – nos parcelles de peau glabres, ou épilées… Prélevant sur autrui de quoi fabriquer ces membranes entre nos corps et notre environnement, elle fait jaillir en nous une multitude de questions salutaires, mais jusque là profondément enfouies…
Eric Mouchet
PLUS D’INFORMATIONS :
// Biographie
// Presse
// www.isabelleplat.fr
EXPOSITIONS :
// A un cheveu de l’usage (05/12/2015-16/01/2016 | Paris)
// Se mettre dans la peau de l’autre (Art Paris 2019 | Grand Palais Paris)
// Je t’ai dans Sa peau (14/03-27/06/2020 | Paris)
// Portraits d’usage et hors d’usage (25/04-13/07/2024 | Bruxelles)
PUBLICATION :
// A un cheveu de l’usage, Isabelle Plat, GEM, 2015
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